Article rédigé en partenariat avec Marjorie Schneider, orthophoniste libérale.
Je m’appelle Marjorie Schneider, j’ai 38 ans et je suis la maman de 4 enfants. J’exerce en tant qu’orthophoniste libérale depuis près de 15 ans.
Le métier d’orthophoniste c’est quoi ?
Au sein de mon cabinet, je reçois des patients de tous âges : du bébé ayant des troubles de la succion aux personnes âgées atteintes de troubles cognitifs ou maladies neuro-dégénératives.
Depuis le début de ma pratique, je n’ai cessé de me former mais ces dernières années, certains domaines ont présenté un attrait particulier à mes yeux. Comme la prise en charge des pathologies du raisonnement logique et du langage, la prise en soin des troubles du langage et des apprentissages selon l’approche de Maria Montessori adaptée à l’orthophonie ; et plus récemment, les troubles alimentaires pédiatriques et le soutien à l’allaitement.
Il faut dire que le champ de compétences des orthophonistes est vaste. Il s’agit de prévenir, évaluer et traiter les difficultés ou troubles :
Du langage oral et écrit et de la communication ;
Des fonctions oro-myo-faciales ;
Des autres activités cognitives dont celles liées à la phonation, à la parole, au langage oral et écrit, à la cognition mathématique. (source FNO).
Chaque prise en charge débute toujours par un bilan d’investigation. Réalisé sur prescription médicale uniquement, celui-ci nous permettra, grâce à l’analyse des antécédents et des épreuves le plus souvent standardisées, d’établir nos axes thérapeutiques, et d’obtenir les éléments nécessaires pour poser un diagnostic.
Lors d’une journée au cabinet, je peux commencer par une séance de langage oral avec un enfant présentant un retard global de développement, puis avec des enfants plus grands présentant des troubles DYS, que l’on nomme maintenant trouble spécifique du langage oral ou du langage écrit. Je reçois également chaque jour des adultes pour maintenir les fonctions de communication et de l’oralité dans les pathologies dégénératives et neuro-dégénératives (de type maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer). Et je termine en général mes journées par des adultes pour une prise en charge de la phonation.
Il se trouve qu’au fil du temps, je reçois de plus en plus d’enfants pour une prise en charge des troubles de l’oralité alimentaire.
Troubles de l’oralité alimentaire : de quoi s’agit-il ?
C’est une définition très large qui englobe l’ensemble des difficultés de l’alimentation par voie orale. Cela concerne des enfants qui mangent très (trop) peu, avec un panel d’aliments très restreints, sans plaisir.
Les origines peuvent être diverses : organiques, motrices, parfois psychologiques, mais parmi eux, on retrouve surtout une très forte proportion de patients présentant des troubles de l’intégration neurosensorielle et plus particulièrement un trouble de la modulation sensorielle. Il se manifeste soit par une hyper-réactivité sensorielle (syndrôme de dysoralité d’origine sensorielle), soit par une hypo-réactivité sensorielle, soit par des comportements de recherche sensorielle. Dans le cas du syndrome de dysoralité d’origine sensorielle, relativement fréquent, il est nécessaire de mettre en place une désensibilisation par le biais d’activités sensorielles, en mobilisant principalement le toucher, l’odorat, la vue et bien sûr le goût (les autres sens comme le système vestibulaire ou la proprioception seront plutôt travaillés au cabinet de psychomotricité ou de kinésithérapie).
Troubles de l’oralité alimentaire : une thérapie par la manipulation
C’est ainsi qu’un des axes thérapeutiques de la prise en soin consistera à proposer la manipulation de différentes textures alimentaires et non alimentaires.
On proposera progressivement des matières sèches (les objets ou jouets en bois, en silicone, en plastique ou gâteaux, fruits secs, sucettes, chocolat…), des matières douces (le coton, les plumes, semoule, pâtes crues, sucre, farine, chocolat en poudre), des matières mouillées et collantes (la pâte à modeler, la peinture, la pâte à patouille, le slime, le yaourt, compote, fruits épluchés, pâtes cuites, fruits et légumes crus, miel).
J’ai récemment pu tester et découvrir le KIT UNIVERS SENSORIEL Nature Éléments qui se compose d’une table lumineuse et de 7 matières sensorielles différentes (des plumes, du raphia naturel, des feuilles nervurées, des bouchons en liège, 4 pots de pâte à modeler sensorielle végétale et des pompons laineux). Avec le séparateur en bois, cette table devient un terrain d’expérimentation, de manipulation et de découvertes !
Pour toutes ces expérimentations, la table du KIT UNIVERS SENSORIEL Nature Éléments est idéale tant par ses dimensions, que par sa matière facile d’entretien (elle se nettoie à l’éponge). Le fait que le plateau de la table soit un peu profond évite que les différents éléments ou matières utilisés ne tombent par terre. C’est un critère important en pratique, car en cabinet nous n’avons pas le temps de faire le ménage entre chaque patient).
Les différents éléments du kit Nature (il en existe d’autres sur le site, comme la ferme, construction ou encore découverte alimentaire que j’envisage d’acquérir pour la rééducation en oralité alimentaire) constitue une très bonne base pour débuter. On y retrouve différents types de textures : sèches avec les morceaux de bois et de liège, douces avec les plumes et les pompons, collantes avec les pâtes à modeler (qui sont en plus très intéressantes sur le plan sensoriel car aux couleurs neutres mais avec de sensibles variations d’odeur et sensation selon les éléments naturels qui y sont ajoutés), etc… La collection de ciseaux à boule permet de constituer un intermédiaire et de les utiliser pour attraper certaines textures que l’enfant n’est pas encore en capacité de supporter avec ses mains. Les séparateurs en bois permettent de présenter plusieurs éléments en même temps à l’enfant, sans les mélanger.
Dans ce type de prise en charge, l’utilisation de la fonction lumineuse de la table viendra amener un aspect plus ludique aux séances. Mais on pourra optimiser cet atout pour d’autres objectifs.
Bien sûr, on pourra utiliser ce KIT UNIVERS SENSORIEL Nature Éléments dans d’autres type de prise en soins, comme notamment :
La rééducation logico-mathématique, comme support pour des activités de manipulation et de construction de la pensée (tri, inclusion…) ;
La rééducation du langage oral ;
La rééducation du langage écrit en l’abordant de façon multisensorielle : par exemple, écrire dans le sable ou dans du gel coloré avec le doigt ou un stylet…
« Vous savez qu’une vie de parent sans éclats n’existe pas. » Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre
Enfant agité, enfant en colère, qui tape et/ou qui mord… Ces irruptions de gestes agressifs, en famille ou en structures d’accueil, sont souvent délicates à appréhender. Pourquoi l’enfant fait-il mal, est-ce d’ailleurs sa volonté première ? Que veulent dire ces comportements et comment les accompagner au mieux ? Après un tour sur les dernières études du développement des jeunes enfants à travers leurs interactions sociales, on vous dit (presque) tout sur le sujet !
Violence, agressivité, colère : quésaco ?
Commençons par trois définitions ;
La violence est l’emploi d’une force brutale sortant du cadre de la « normalité » des interactions sociales.
L’agressivité (du latin ad-gressere, aller vers) appartient aux comportements d’adaptation humains lors des interactions sociales. Elle englobe une notion de survie, de défense de son espace vital. En compétition sportive par exemple, quand on souhaite se dépasser pour être le meilleur, c’est une manifestation de notre agressivité.
L’agressivité et la violence sont régies par des régions du cerveau différentes.
La colère est, quant à elle, une émotion primaire qui peut être à l’origine de l’emploi de l’une ou de l’autre selon les contextes.
Bébé tape et mord
L’usage de la force involontaire (le nourrisson mord son interlocuteur ou le tape sans lien avec une éventuelle situation de frustration ou de colère) semble être commun à la plupart des tout-petits. Il s’agirait là d’une étape du développement psychoaffectif et relationnel, dont l’intention serait l’exploration sociale : on ne parlera donc pas de tendances agressives volontaires chez Bébé, mais de découverte de l’univers qui l’entoure avec des gestes encore peu contrôlés et imprécis.
Le tout-petit découvre le monde sans langage, la bouche est, dans ses premiers mois de vie, un organe de découvertes important (lait, tétée, doigts, pieds, doudou…) ; combien de parents s’exclament au quotidien que leur poupon met tout à la bouche ?! Concernant les morsures, il n’est pas non plus rare que Bébé morde au moment de ses poussées dentaires, dans un espoir probable de soulager ses gencives endolories. Là encore, pas d’intention première de nuire ou de blesser de sa part. Pour l’aider et limiter ces comportements, on lui propose des anneaux de dentition réfrigérants ou encore un hochet de dentition en caoutchouc naturel.
L’emploi de gestes involontaires provoquant une douleur chez l’autre tend à diminuer vers les 2 ans et demi. Selon les chercheurs, à ce stade, la capacité à percevoir la souffrance provoquée chez l’autre pourrait s’accroître, tout comme la conscience de faire mal. Pour autant, les capacités empathiques de Ptiloup sont encore en cours de développement.
Mon enfant tape et mord
Cependant, l’usage volontaire de force physique augmente vers 2 ans et demi, car entrent en jeu de nouvelles interactions sociales (à la crèche, à l’école maternelle etc…) avec d’autres Ptiloups et un nouvel apprentissage : le relationnel avec ses pairs (hors parent), la vie en (micro)société et toutes les émotions qui vont en découler !
Vous êtes le modèle des enfants
Parents comme professionnels de la petite enfance, gardez-le toujours à l’esprit : vous êtes leur modèle. Didier Desor (professeur des Universités, enseignant en Neurosciences du comportement) et François Math (Neurologue et Neurophysiologiste) écrivent en ce sens :
« Ce n’est que l’apprentissage dans le cadre familial et scolaire qui lui permettra, en se socialisant, de maîtriser sa violence. L’enfant n’est pas un adulte. Son apprentissage des comportements, des gestes et des mots intègre ce que les aînés lui montrent (…). ».
Mais… Pourquoi mon enfant tape ou mord ?
Difficile de proposer une réponse générale car, et on ne le dit que trop souvent, chaque enfant est différent. Chaque situation de conflit l’est tout autant et son contexte doit être pris en compte pour résoudre la question. Il est important de rappeler cependant qu’en bas âge et quand le langage n’est pas – du tout, ou pas encore – totalement maîtrisé, le corps pourrait parfois prendre le relai pour exprimer ce que Ptiloup ne sait pas encore dire.
Faut-il prévenir toutes les situations conflictuelles et empêcher toutes les colères ?
On vous répondrait bien oui… et non. Les enfants apprennent par l’expérience. Vous ne pourrez pas empêcher toutes les disputes (entre copains/copines et/ou entre frères et sœurs), et ce sont des expériences par lesquelles les enfants vont acquérir les bases de leurs futures compétences relationnelles et émotionnelles. La prochaine fois (ou la suivante) peut-être qu’Arthur ne se jettera pas toute main tendue sur la joue de Tom pour lui arracher son jeu, mais lui demandera d’abord s’il veut bien lui prêter. Apprendre à résoudre seul un conflit aujourd’hui, c’est aussi faciliter leur future vie d’adulte.
On n’encourage pas pour autant au laisser-faire et à la non-intervention des adultes ; vous devez évidemment garder un œil attentif sur toutes les situations, et surtout celles susceptibles de dégénérer physiquement pour intervenir avant que n’ait lieu le geste de trop (morsure, gifle etc).
Gestion de crise vers un retour au calme
Si vous arrivez trop tard, le premier réflexe est bien évidemment de séparer les deux enfants. Et le mot d’ordre (après avoir réconforté et effectué les soins nécessaires pour la blessure de guerre) : tout expliquer avec des mots simples aux deux protagonistes (celui qui a tapé/mordu, celui qui a été tapé/mordu). On ne banalise évidemment pas le geste : il n’est pas autorisé.
“ Arthur n’a pas l’habitude de partager ses jouets. Il voulait le camion avec lequel tu jouais, et il t’a fait mal pour avoir le camion. C’est interdit de faire mal et maintenant, Arthur le sait. ”
“ Ici, les jouets sont à tous les enfants. On apprend à les partager tous ensemble. Tu as fait mal à Tom et il est triste. C’est interdit de faire mal, même quand on veut un jouet très fort. «
Si le langage n’est pas bien en place chez l’un comme chez l’autre, vous pouvez doubler vos explications de quelques signes. Il est important que les enfants entendent (de vous ou de l’autre) les émotions provoquées chez eux par ce qui vient de se passer. Colère ? Tristesse ? S’ils sont en capacité de verbaliser leur ressenti, on les y encourage. Les Ptiloups sont encore dans l’âge où ils ont besoin d’être accompagnés pour apprendre à réguler leurs nombreuses émotions seuls. On n’hésite pas à proposer l’intervention de nos meilleurs alliés, les coussins attrape-colère et retour au calme :
À la maison, le contact d’un animal de compagnie avec Ptiloup peut être bénéfique. Le lien qui se crée entre les deux est un formidable régulateur d’énergie et apprend à Ptiloup les bases de l’adaptation sociale. En effet, il va devoir apprendre à maîtriser sa force et ses gestes au contact de l’animal. On veille évidemment à être toujours présent lors de leurs interactions.
L’initiation sportive pour réguler les émotions
L’initiation à la pratique sportive est non seulement une aide à la régulation émotionnelle, mais aussi un apprentissage des valeurs sociales fondamentales. Lors des activités sportives, les enfants peuvent relâcher leur énergie au sein d’une activité réglementée.
Et si l’agressivité perdure ?
Les apprentissages sociaux psychoaffectifs de la vie entre pairs sont nombreux et de fait, complexes à tous assimiler d’un seul coup pour un petit cerveau en construction ; la période d’ajustement peut légitimement vous sembler très longue ! Cependant, si l’agressivité de Ptiloup perdure et s’accentue, n’hésitez pas à vous rapprocher de professionnels de santé qui sauront vous conseiller pour l’accompagner au mieux.
Patrick Ben Soussan, De l’art d’élever des enfants (im)parfaits (Erès, 2018) et Comment Survivre à ses enfants ? Ce que la parentalité positive ne vous a pas dit (Erès, 2019).