Un trait commun de la nature fait du monde entier une seule famille.

 

William Shakespeare –

Dès leur naissance, les jeunes enfants cherchent constamment à donner du sens à leur environnement, activité que nous définissons comme « apprendre » au sens large. Même les tout-petits sont “naturellement programmés” pour déceler les indices les plus importants du tourbillon d’expériences sensorielles auquel ils sont exposés. Ils peuvent ainsi repérer des éléments essentiels qui rendront leur compréhension de la réalité aussi précise que possible. Il n’est donc guère surprenant de constater que les jeunes enfants développent et perfectionnent ces compétences d’apprentissage global qui les ont si bien servi et qui les attirent vers des domaines multisensoriels comme les paysages extérieurs.

Au plein air : les apprenants dans leur élément

Comme le souligne la psychologue du développement, Alison Gopnik,  «[…] Les [jeunes] enfants sont beaucoup, beaucoup plus intelligents que nous n’aurions jamais pensé. Leurs cerveaux sont plus connectés, plus flexibles et plus actifs qu’ils ne le seront jamais. Ils pensent déjà de manière abstraite, raisonnent et tirent les bonnes conclusions des données. » Cette prédisposition à « apprendre à 360 °» est une explication de l’excitation, de l’enthousiasme et de l’engagement intense que les jeunes enfants manifestent au cours de jeux en plein air.

Des ressources sur mesure pour la “pédagogie du plein air”

En examinant la diversité et l’ampleur de l’environnement extérieur, Kellert (2002) a identifié sept catégories d’expériences immersives dérivées de la nature :

  • La dimension esthétique fait référence à la beauté du monde naturel.
  • L’ humaniste reconnaît notre engagement émotif envers la nature et les paysages.
  • Le moraliste évoque notre attachement spirituel et notre sens de la responsabilité éthique pour la conservation de l’environnement.
  • Le scientifique englobe notre besoin primordial de comprendre l’ordre naturel.
  • L’utilitaire exprime l’utilisation humaine de ces mêmes forces et cycles naturels.
  • Le symbolique détaille notre utilisation de l’imagerie naturelle en pensée et en langage.
  • Le naturaliste renvoie à notre expérience directe des phénomènes naturels.

Ce catalogue complet de Kellert sur le monde extérieur illustre sa formidable capacité à fasciner les jeunes apprenants. Ce concept est repris par Thomas et Harding dans leur concept des « zones de développement », cadre que les auteurs utilisent pour discuter du jeu en plein air et de son rôle dans l’apprentissage. Ces zones de développement se présentent sous quatre formes : physique, cognitif, émotionnel, social et spirituel. Ces domaines sont une structure utile pour réfléchir aux aspects clés de l’enseignement et de l’apprentissage en plein air.

Des activités physiques importantes pour le développement global de l’enfant

Chaque enfant entre 1 et 7 ans a  « autant besoin de nourriture que d’air » ; « se déplacer, courir, trouver des choses par un nouveau mouvement, sentir la vie dans chaque membre, c’est la vie de la petite enfance ». Comme Margaret McMillan l’indique, les activités physiques favorisent non seulement la santé et la croissance physique, mais sont également un précurseur essentiel du développement cognitif. Thomas et Harding détaillent son importance en expliquant que « les enfants doivent faire l’expérience du monde à travers leurs sens et leurs mouvements avant de pouvoir développer des cartes mentales et des pensées abstraites ».

La “classe en plein air”, une école qui valorise les initiatives

La « classe en plein air » regorge d’expériences réelles : cultiver et récolter des pommes de terre, les cuire au feu de bois, puis les manger fraîchement cuisinées. Les activités de résolution de problèmes abondent également : « Ils comptent, inventent des chansons… mesurent et expérimentent le flux, la gravité et les forces » tout en appréciant « les découvertes, les jeux imaginaires, l’exploration… de grands espaces pour grimper, s’accroupir, rouler, construire – le tout dans un environnement où les risques sont évalués, ce qui permet aux enfants d’être en sécurité »  (Woods, 2013).

Des jeux en plein air pour stimuler l’empathie

Les jeux en plein air définissent les relations, les opportunités d’autonomie et de responsabilité favorisant la confiance et l’estime de soi, et des espaces variés permettant aux enfants de rencontrer ensemble une communauté dynamique. Des moments de réflexion silencieux sont également possibles dans des paysages où « les couleurs changent, les températures changent, la sensation du plein air change constamment ». (Ministère de l’Education, Ecosse, 2015)

Des jeux pour apprendre à vivre ensemble

Différents groupes d’âge peuvent interagir plus naturellement à l’extérieur tout en assumant des rôles complémentaires dans le jeu en groupe. Les activités agitées et tumultueuses créent et testent des amitiés et exigent souvent des réponses tolérantes mais affirmées. Le jeu coopératif permet aux adultes d’entrer dans un monde d’imaginaire créé et dirigé par les enfants.

Une plus grande sensibilité à la nature

L’expérience des plantes et des animaux aide les enfants à comprendre les cycles de la vie. Cela leur permet de prendre conscience de cet univers, de son écosystème naturel. Ils comprennent que ces paysages extérieurs sont des lieux privilégiés et que tous les êtres vivants méritent notre respect.

Quelques conseils pratiques pour aider les enfants à apprendre au plein air

Pour que les enfants en bas âge puissent jouer pleinement avec toute la classe, les adultes doivent adapter leurs activités à chaque catégorie d’âge. Pour éclairer cette perspective importante, Helen Bilton, chargée de cours en éducation de la petite enfance a identifié 10 principes directeurs :

  • l’aménagement intérieur devra être combiné avec l’extérieur, dans le but de créer une installation cohérente avec des transitions essentiellement transparentes ;
  • les enfants doivent, de préférence, avoir accès simultanément aux environnements intérieurs et extérieurs ;
  • les deux aménagements devront être dotés de ressources et gérés selon les mêmes normes, en envoyant un message indiquant que les deux sont reconnus comme importants et de même valeur ;
  • une installation extérieure doit toujours être utilisée comme environnement d’enseignement et d’apprentissage, sans quoi une grande partie de l’impact potentiel et des avantages de l’expérience sera perdu ;
  • l’efficacité d’un environnement extérieur dépendra de son agencement et de son design ;
  • pour les enfants en bas âge, les jeux en plein air sont une composante essentielle de l’apprentissage ;
  • une classe en plein air optimise certains modes d’apprentissage-clé, qui ne peuvent pas être reproduits de manière satisfaisante à l’intérieur ;
  • les apprenants ont besoin de ressources flexibles et d’environnements divers pour contester et élargir l’éventail des possibilités et des modes de réponse ;
  • les apprenants doivent pouvoir contrôler, ajuster et réorganiser leur environnement d’apprentissage pour maximiser les possibilités disponibles et éviter les schémas de jeu stéréotypés ;
  • le personnel doit créer une atmosphère propice au jeu en plein air. Ce sont des partenaires de jeux et non des “surveillants”.

 Grâce à un accès sans compromis, à un jeu structuré et non structuré et à un soutien qualifié et léger, les jeunes enfants seront incités à apprendre, à grandir et à s’épanouir dans un environnement extérieur : « […] les enfants apprennent à parler et à parler pour apprendre, ils apprennent à bouger et à bouger pour apprendre, ils apprennent à jouer et à jouer pour apprendre, apprennent à connaître leurs sens et apprennent par leurs sens. Ce sont tous ces vecteurs par lesquels ils peuvent apprendre, et tous sont plus facilement accessibles à l’extérieur. » ( Bilton, 2010)

Nos articles sur la même thématique